Changmin à l'Australe !

Cela faisait si peu de temps depuis l’incident et tout le monde semblait l’avoir oublié à la division. Baraz avait pourtant toujours cette blessure lancinante et l’image d’une femme mystérieuse en tête, mais il semblait que ce n’était là plus qu’un lointain souvenir pour les camarades du jeune shinigami. Dire qu’ils avaient accordé tant d’attention à son histoire la semaine passée. Aujourd’hui, c’était à peine s’ils se souvenaient du déroulé des événements. Pire encore, ces derniers s’inquiétaient plus pour sa santé mentale qu’autre chose. On en venait à dire qu’il prenait trop au sérieux cette affaire, que la peur de mourir l’avait peut-être fait délirer. Ils avaient beau parler ainsi, ça n’empêchait pas Baraz de chercher à retrouver cette femme. Pas plus que cela ne lui enlevait le sourire !

Après tout, c’était pour une bonne raison qu’il déambulait ainsi dans les galeries marchandes de la capitale. Il avait besoin d’une nouvelle tenue, plus discrète. Il se disait que s’il n’avait pas retrouvé la femme de ces souvenirs lors de sa dernière expédition, plus ou moins officiel, dans le monde des humains, c’était probablement parce qu’elle le reconnaissait. Il n’aurait pas su dire pourquoi, mais il avait l’impression qu’il devait se la jouer discret pour la retrouver. En tout cas, il était sûr qu’elle, elle n’avait pas envie de se faire remarquer. Tout le contraire du drôle de type qui regardait les tissus de ce bon vieux Ekrem. Difficile de passer inaperçu avec ce qui semblait être un squelette dans les bras.



Si le marchand ne cacha pas son agacement, le shinigami ne cacha pas plus son amusement. Il adressa une tape amicale à l’inconnu avant de se lancer dans d’âpres négociations. La joute dura un bref et intense instant, mais Baraz en sorti aisément vainqueur. Il parvint à s’offrir une cape légère et quelques bagues pour ce qui n’était au départ que le prix d’un rouleau de tissu. Et il ne compta pas s’arrêter là. Il reporta alors son attention vers l’étranger.



Baraz acheva sa phrase d’un rire amical qui ne dérida pas grandement le marchand, bien que l’ombre d’un sourire semblât se dessiner sous sa barbe. Les deux hommes se connaissaient en fait plutôt bien, le shinigami Austral était en réalité lui-même un habitué de cette échoppe. Ce qui avait, avouons-le, pesait plus que légèrement dans les négociations. Ils n’attendaient tous deux plus que la décision de leur interlocuteur.

Changmin à l'Australe !

L’échange qui résultat de la transaction parut décontenancer le marchand. Il confia sa commande à son étrange client, sans trop savoir s’il devait s’adresser à la poupée ou au shinigami lorsqu’il confirma qu’il livrait partout où cela était accessible. Satisfait, mais loin de vouloir en voir davantage le marchand vint finalement poser un ultime regard dans la direction de son client plus habituel avant de fourrer le nez dans ses marchandises. C’était un de ses regards éloquents qui signifiait « débrouille toi » tout autant que « bon courage ». De quoi faire sourire Baraz de plus belle. Après tout, l’Australe recelait pourtant son lot d’individus particuliers, ça n’aurait pas dû l’étonner tant que ça. Le jeune shinigami, lui, se contenta de hausser les épaules quand la poupée squelette proposa de lui rendre la faveur.



Il prenait la tournure de la rencontre plutôt bien. Les gens d’ici commençaient de toute façon à le traiter de plus en plus régulièrement comme un fou depuis sa dernière mésaventure chez les vivants. Le voir parler avec un individu pareil ne ferait que renforcer cette idée. Pourtant, Baraz ne put s’empêcher de souligner mentalement que celui-là était un cran au-dessus de lui niveau étrangeté. Un très grand cran. Ceux de Nabatiah devaient bien s’en rendre compte. Et rien que cette constatation suffit à lui arracher un léger rire alors que son interlocuteur lui demandait, par sa propre voix cette fois, de lui servir de guide. Le jeune shinigami avait décidément le don pour faire des rencontres spéciales



Comme s’il prenait soudainement conscience qu’ils allaient passer plus de temps ensemble, il pointa du doigt tour à tour la poupée et l’étranger.



Pour conclure, le jeune shinigami dépassa son compagnon de route en lui faisant signe de le suivre.

Changmin à l'Australe !

C’était avec un léger rire nerveux que Baraz avait réagi aux remontrances de Changgwi sans pour autant lui en tenir rigueur. Il trouvait cet individu vraiment étonnant. À travers Changmin, la poupée, il faisait preuve de souplesse et de sympathie, peut-être même d’une certaine candeur. Pourtant, celui qui tenait le squelette était plus rigide et très protecteur envers ce dernier. Mais il était aussi servile. Une relation maitre-esclave d’autant plus étonnante que c’était la poupée qui dirigeait. Il y avait donc en cet être deux personnalités bien distinctes qui cohabitaient. Comment quelqu’un pouvait en arriver là ?

En y pensant, il supposa qu’il ne pouvait qu’y avoir une tragique histoire derrière ce comportement. Et si cela fit brièvement arborer un air triste au jeune shinigami, cela lui convint également de faire au mieux pour que Changgwi, et Changmin bien sûr, gardent un bon souvenir de leur venue à Nabatiah ! Il comptait donc jouer le jeu du personnage en considérant chacune de ces facettes comme un individu à part.



Il se mit à jouer des coudes pour traverser la foule des galeries en s’assurant régulièrement d’un coup d’œil par-dessus son épaule que son… ses invités le suivaient toujours. Au fil des allées, il s’arrêta régulièrement à divers étals, présentant quelques splendeurs locales. Ainsi, il put permettre aux Orientaux de sentir la richesse des épices d’Hégréa, d’observer les plus fines gemmes des joailliers de Nabatiah et de constater la finesse des céramiques des plus grands artisans de la capitale. Mais rien de tout ça n’était parmi les destinations que Baraz comptait présenter aux Orientaux, ce n’était que de simple arrêt improvisé. Le bazar qui se profilait au croisement d’une galerie en faisait néanmoins partie.



Baraz prit un instant pour observer avec fierté les symboles géométriques et colorés qui signalaient l’entrée du bazar. On pouvait lire un mélange de joie et de nostalgie dans son regard lorsqu’il se tourna vers Changgwi pour lui faire signe d’entrer avec lui.



Les voilà qui venait à peine de poser un pied au bazar qu’ils étaient chaleureusement accueillis par les marchands. Si Changgwi avait eu à subir des regards désobligeant lors de son passage dans les galeries, il constaterait qu’il n’en était rien ici. Ici, une douce humeur planait dans l’air et tout été fait pour qu’on se sente chez soi. Un marchand prit même de son temps pour guider les shinigamis.

Il leur montra là quelques étals présentant bottes et ceintures dans un style légèrement différent de ce qui dominait à l’Australe, presque Orientale même. Les quelques tenues en coton et en soie qui s’assortissaient à ses accessoires semblaient elles aussi être à mis chemin entre ces deux cultures. Mais ce qui pouvait peut-être frapper le plus l’homme de Nagomi, c’était le thé que le marchand proposait aux shinigamis. Loin du raffinement dont il avait probablement l’habitude, il était question là d’un thé salé qui se mélangeait à du lait et auquel un peu de beurre venait d’être ajouté.

Ne souhaitant rater pour rien au monde l’expression de Changgwi, Baraz le pria de s’asseoir avec lui avant d’y goûter. Non sans un air espiègle, il tint tout de même à le mettre en garde.



Après tout, ça ne sera peut-être pas un bon souvenir, mais ça restera sûrement un souvenir inoubliable, et c’était bien là l’essentiel non ? Le jeune shinigami prit rapidement une gorgée de son thé pour mettre en confiance son interlocuteur sur la fiabilité du breuvage.



Il accompagna sa question d’un léger rire, pensant déjà connaitre la réponse. Il y avait bien d’autres spécialités nomades à découvrir ici, mais Baraz reconnu qu’il valait mieux se limiter au thé salé s’il voulait continuer à servir de guide à son étrange ami.