Plus dure sera la chute [FT Gu Zhihao]

Plus dure sera la chute

La vie de Sanosuke devait être toute tracée, c'était le plan de départ en tout cas. Il devait avoir la meilleure éducation, les meilleurs précepteurs et, en bout de course, faire forte impression et débuter rapidement sa formation pour devenir shinigami. Il devait être premier de sa promotion et, en l'espace de quelques années, grimper d'échelon en échelon jusqu'à devenir dans les premiers officiers de sa division. C'était le plan qui avait été prévu, pour lui comme pour son frère aîné, depuis bien avant leurs naissances...mais où est-ce que cela avait merdé ? A quel moment est-ce que sa vie avait pris une tournure aussi merdique ?

C'était la question que se posait le jeune homme, alors qu'il fixait le mur blanc, derrière le médecin qui lui faisait face. Le silence était pesant, alors que le médecin feuilletait, page après page, le dossier du jeune officier devant lui. Une partie de Sanosuke savait déjà, il pouvait le sentir à l'ambiance pesante et pourtant...pourtant il devait l'entendre. Quelques jours plus tôt, lors d'une mission comme toutes les autres, il avait fait face à un hollow et, par excès d'arrogance, avait mal jaugé la force de son opposant. Il se rappelait encore de ces cinq griffes perçant sa poitrine, et du goût métallique alors que le sang coulait hors de sa bouche, le long de son menton.
Même une semaine après cela faisait toujours mal et, si le torse du jeune homme était entouré de bandages, la blessure était toujours belle et bien présente. Autant physique que psychologique, mais son esprit était...embrouillé, pour qu'il parvienne à y voir clair. La main du jeune homme restait là, posée contre son torse, alors que le claquement d'un dossier fermé se fit retentir.

Le médecin grisonnant le regardait avec un mélange de gravité et de pitié que Sanosuke ne pouvait pas supporter. Il avait envie de lui gueuler dessus, de lui dire d'arrêter de le regarder comme un chiot abandonné au bord de la route mais, avant qu'il ne puisse le faire, l'homme se leva de derrière son bureau, et commença un :

Il va falloir vous ménager, monsieur Takamoto. Vos blessures ont...

Apposé un lourd tribut sur son corps. Le médecin pensait-il que Sanosuke ne se rendait pas compte ? Qu'il ne pouvait pas faire la différence entre une blessure grave et...autre chose ? Préférant couper court à cette conversation, regrettant déjà d'avoir passé le pas de la porte, le Takamoto préféra aller à l'essentiel d'un :

Je sais. Je le sens. Pas besoin de le dire...

Et pourtant le médecin insista, car il avait besoin que son patient ait pleinement conscience de ce que ces blessures allaient impliquer, pour lui, pour son corps, son avenir et sa carrière. Ce n'était pas juste une blessure de plus. C'était plus, bien plus que cela et, déjà, le médecin essaya d'expliquer que :

Vous pourriez ne plus...

La main de Sanosuke se referma sur le kimono blanc dont on l'avait affublé, depuis son entrée à l'infirmerie, alors que la réalité prenait enfin corps, de la plus douloureuse des façons. Non...ce n'était pas possible. Ce n'était pas juste. Sa carrière ne pouvait pas se terminer maintenant, alors qu'elle florissait à peine. Serrant les dents et les poings, il tenta de cracher un :

Taisez-vous. Juste...taisez-vous...

Les explications du médecin se noyèrent dans le vide que devint l'esprit du jeune homme, après cela. Il avait entendu, il avait compris mais...ne le réalisait pas encore. Il voulait crier, hurler, pleurer même, mais tout ce qui sortait c'était...rien. Absolument rien. Alors il décida d'aller prendre l'air, pour lutter contre cette chaleur intense qui saturait sa poitrine. D'une démarche lente et lourde, il préféra donc s'isoler, avec cette fraîche brise pour seule compagnie. S'asseyant sur le premier banc à sa portée, juste à l'extérieur de l'infirmerie, il resta là, les mains contre ses genoux, la tête basse, essayant de remette de l'ordre dans son esprit, alors qu'il se répétait encore et encore le discours du médecin.

Cela ne faisait pas de sens. Pourquoi lui ?

Plus dure sera la chute

L’apprenti de Feng, elle avait déjà entendu son nom avant. Elle secoua la tête. Pauvre enfant. Il ne prennait qu’à peine son envol et on venait de lui couper les ailes, abruptement, sans préavis. Le cinquième siège était tombé. Horriblement. Un soupir, de l’énnervement et un coup de canne, de totues ses maigre forces, dans le bureau devant elle. C’était injuste. Injuste. Horrible. Douloureux.

Zhihao n’était pas une femme aimante, mais elle s’était juré de protéger les Shinigamis de sa faction. Elle avait vu toute les guerres contemporaines, elle avait tout perdu plus d’une fois. Elle ne le souhaitais pas à ses compères. Aucun d’eux.

On l’avait mise au courant de la situation de Takamoto Sanosuke en détails.

Ça n’allait pas se passer ainsi. Non, pas tant que sa vieille carcasse pouvait encore se mouvoir. Marchant en balayant sa canne, elle fit son chemin jusqu’au jeune homme, ses sens étendus pour bien retrouver son énergie.

Il discutait avec un médecin lorsqu’elle arriva. Et sa canne percuta le ventre du médecin alors qu’il parlait du pire.

“Oh ferme ta gueule toi. Oust. Y’est à moi, lui.”

Son regard vide se porta ensuite sur le jeune officier et sa canne se leva, frappa sa tête, puis se posa sous son menton pour lui relever la tête.

“R’garde-moi bien.”

Son vieux visage frippé par les années était tourné en direction de Sanosuke. Dur, fermé, sévère. Elle ne trahisssait rien que la volonté inébranlable que sa voix rauque transportait jour après jour.

“T’vas pas t’noyer. Sors toi la tête du cul, gamin.”

Sa canne, usée, retrouve le sol dans un toc grave, lourd. Elle n’était pas du genre à s’appitoyer, ni sur son sort, ni sur celui des autres.

Et ce shinigami, était une étoile montante. Trois cent ans et il avait le cinquième siège? Comme si elle allait laisser ça pourrir dans son mal.

“Peut’tre que tu l’r’trouveras pas. On va pas mentir, ici. Mais, t’sais qui je suis?”

C’était plus une question rhétohorique qu’autre chose. Qu’il le sache ou pas - il devait le savoir de toute façon - elle s’en foutait.

“J’vais pas t’laisser de même. Si tu peux pas ravoir s’que t’avais, on va l’reconstruire.”

Son ton ne laissait pas la place au refus.

Plus dure sera la chute

Le père Takamoto avait appris à ses fils à faire face à l'adversité, avec force et dignité, mais jamais il n'avait préparé ses fils à l'éventualité que ce soit leur corps qui finisse par les trahir. Combattre un hollow, Sanosuke savait faire. Il savait utiliser le kido, et manier son zanpakuto comme peu savaient le faire, mais quand il s'agissait d'une faiblesse intérieure, que pouvait-il bien faire? A entendre son médecin il était déjà condamné, pour ainsi dire et, si le Takamoto allait sûrement demander d'autres avis, ce premier n'avait rien de très encourageant.
Sanosuke était sur le point de partir broyer du noir, dans son coin, si ce n'était sans compter sur l'intervention d'une vieille qu'il eut quelques difficultés à identifier, de prime abord. Il fallait dire que son esprit était encore un peu trop embrumé et, quand l'ancienne demanda au jeune homme de le regarder dans les yeux, lui demandant assez vulgairement de se reprendre en mains, le Takamoto ne put que balbutier un :

P...pardon ?

Non mais d'où elle sortait, celle-là ? Si le médecin ne se fit pas prier pour partir, sans demander son reste, le jeune homme laissa son regard bleu-gris se poser sur la vieille rabougrie, jusqu'à ce que cette dernière ne lui demande s'il la connaissait. Se frottant légèrement les yeux, se donnant le temps de remettre de l'ordre dans ses sombres pensées, Sanosuke put enfin mettre un nom sur ce visage ravagé par le temps. Comment aurait-il pu ignorer une telle institution, elle qui faisait partie des meubles, pour ainsi dire ?

Je serai bien inculte si je ne vous reconnaissais pas, Madame Gu.

Le temps passait, les officiers allaient et venir mais madame Gu, elle, restait. C'était ainsi. Elle était sans doute l'officier la plus ancienne encore en service, ou presque et, si elle était connue pour son caractère bien trempé, ses talents n'étaient plus à prouver. Aussi, après l'avoir reconnu, Sanosuke se permit de demander, avec un certain scepticisme dans la voix :

C'est donc ça que vous faites, à votre grand âge ? Vous balader, à la recherche de causes perdues à sauver ?

Sa façon à lui de dire qu'il n'en valait peut-être pas la peine, en quelque sorte. Commençait à tracer son chemin vers l'extérieur, pour aller prendre l'air, Sanosuke tourna le regard pour voir si la vieille, avec sa canne, allait réussir à suivre le rythme, ou non. Oh oui il appréciait que quelqu'un soit là pour l'aider à se relever, vraiment, mais la nouvelle était encore trop fraîche pour qu'il soit capable d'y voir clair. Quelle direction ? Quelles chances ? Passant une main dans sa crinière d'ébène, il ne se retint pas pour lâcher un soupir, avançant que :

Encore faudrait-il que je sache où j'en suis. A entendre ce médecin, je devrais tirer un trait sur ma carrière, dés maintenant mais...ce n'est pas une option. Cela ne peut pas l'être. Je ne sais juste pas quoi faire, madame Gu. C'est tout.

Plus dure sera la chute

L’apparition de la vieille Gu avait semblé surprendre autant le médecin que l’officier. Au moins, le premier avait compris la situation et avait déguerpit avant qu’elle ne lui donne un autre coup de sa canne.

Sanosuke par contre, semblait plus surpris qu’autre chose alors qu’elle prennait la parole. Il la connaissait? Tant mieux, ça lui évitait devoir se présenter.

Mais ses paroles. Elle étaient devenue aveugle et avait perséveré. Elle s’était adaptée et avait changé sa façon d’être entièrement pour réussir à palier au déficit. Pourquoi ne pourrait-il pas?

Le corps pouvait se briser, mais aussi se réparer.

Et le géant lâche tentait de s’enfuir d’elle encore.

Un coup de canne derrière les genoux, voilà ce que Sanosuke avait reçu en retour de ses paroles, de son abandon. Agacement tangible, même dans la façon dont elle l’avait frappé. Il abandonnait trop vite, trop facilement.

“C’est à ça qu’Feng a enseigné? Un p’tit mollasson qui ose rien?”

Elle le provoquait directement, elle voulait faire réagir autant que possible. C’était selon elle la seule façon de faire pour qu’il cesse trente secondes de s’appitoyer sur sa pauvre petite destinée. Le visage dur de la vieille n’exprimait pas de compassion, ou même de pitié.

“Tu penses qu’à mon âge j’ai l’temps pour des causes perdues?”

Elle lui demanda sèchement. Non, non elle n’avait pas le temps pour les causes perdues. Elle-même était sur le pas de la porte elle-même après tout. Elle laissa échapper un soupir qui ressemblait presque à un grognement.

“Par où commencer ? C’facile. Bouge.”

C’était un peu plus complexe, certes, mais c’était le début. Il fallait qu’il réapprenne ses limites, qu’il redécouvre où il en était, ce que son corps était capable d’endurer. Il fallait qu’il se test.

“Réparer ton corps est p’tre impossible ou p’tre que je vais trouver d’quoi. Mais toi, tu dois te remettre à bouger. Sinon t’vas t’ankyloser, perdre ce qui te reste encore.”

De la thérapie physique, voilà ce qu’elle proposait indirectement, le temps qu’elle se penche sur le sujet. Qu’elle puisse parvenir à le guérir ou non, il fallait qu’il reprenne du poil de la bête, car le guérir ne veut pas dire qu’il retrouvera toutes habiletés comme par magie. Son corps devait se reconstruire et ce n’était que par l’entraînement qu’il pouvait atteindre cet objectif.

Plus dure sera la chute

Le diagnostic était tombé, et le jeune homme se répétait dans la tête, encore et encore, comme s'il espérait y trouver une autre interprétation, un autre élément qu'il aurait raté. Mais non, tout avait été clairement dit. Sa condition physique était...préoccupante, et rien n'était certain sur ses perspectives de guérison future. Voilà au moins ce qu'il avait compris, jusqu'à ce que la vieille ne vienne mettre son grain de sel...en plus de le mettre à terre, en le frappant derrière les jambes. Non mais sérieusement ? Elle avait fumé quoi, la mamie ?

Ouch !

Forçant sur ses appuis pour se relever, difficilement, Sanosuke comprit ce qu'elle essayait de faire, le provoquant pour le forcer à sortir de cette noirceur. Il comprenait car il aurait sans doute fait pareil, sir la situation avait été inversée. Cependant il était encore trop tôt, trop tôt pour jouer à ce petit jeu. Aussi, sur mon ton amer, il répondit sèchement :

Excusez-moi de prendre du temps pour accepter le diagnostic. Vous avez eu des années pour vous habituer à votre situation de taupe. Moi, quelques secondes.

Il n'était pas d'humeur pour être poli, surtout pas aujourd'hui. Perdu ? Oh il l'était oui, et c'était pour cela qu'il voulait s'aérer l'esprit, en sachant pertinemment que cela ne changerait rien à sa situation. Il voulait juste arrêter. Arrêter de penser, arrêter de ressasser, arrêter de craindre les conséquences de cette blessure, pour lui, pour sa carrière et pour sa famille. Lâchant un nouveau soupir, il arqua un sourcil de surprise face à la déclaration de la vieille. Bouger ? C'était cela, sa solution miracle ?

Le sens de l'humour vient avec l'âge, ou vous avez mangé un clown, ce matin ?

Avait-elle d'autres évidences à lui lâcher ? Bien sûr qu'il devait avancer, bien sûr qu'il ne pouvait se permettre de faire du sur-place, au risque d'enterrer sa carrière à tout jamais. Il savait déjà tout cela, ce n'était pas la première fois qu'il était blessé en mission, mais c'était la première fois que le diagnostic était aussi...pessimiste. Alors il prenait du temps pour digérer, pour prendre le risque en compte et, plus tard, il réfléchirait à un plan d'attaque. Cependant la vieille semblait avoir d'autres idées en tête, semblait presque vouloir participer à la guérison du jeune homme, alors qu'elle ne lui devait strictement rien. Pourquoi ? Pourquoi s'impliquer ? Soupirant à nouveau, se tournant de nouveau en direction de la sortie, le concerné avoua enfin :

Je sais bien... je le sens déjà. L'effet de la blessure, sur mon corps. Je le devinais, bien avant que le médecin ne me le confirme...au moment où les griffes ont transpercé mon torse, en réalité.

Plus dure sera la chute

“Oh félicitations! C’ben triste ton histoire! Bouh-hou.”

S’écria-t-elle sans cacher son agacement, agitant sa canne dans les airs avant de la frapper contre le sol, juste devant les pieds de Sannosuke.

“Arrête de chigner.”

Cette fois-ci, sa voix était froide, sérieuse. Elle n’était pas là pour gérer ses états d’esprits … enfin, si, mais pas de cette façon-là. Il comparait sa blessure à ses yeux. La vieille shinigami ne put s’empêcher d’éclater de rire.

Il avait une chance lui. Son corps pouvait peu-être jamais guérir, mais c’était tellement plus facile de palier à une faiblesse du genre que de perdre entièrement la vue. Et en plus, il avait le temps de s’entraîner lui. Elle, elle ne l’avait pas eu, au milieu de la guerre des ombres et des serres.

“Quand j’ai perdu mes yeux, j’étais en plein milieu d’une guerre. Tu penses vraiment que j’ai eu le temps de quoi que se soit? J’suis juste r’tournée me battre contre ces foutus dragons. Alors arrête de plaindre que ça t’es arrivé en pleine paix et profite s’en.”

Elle seccoua la tête, énnervée. Pour qui la prennait-il ? Elle insipira alors qu’elle frappa sa canne au sol de nouveau, mais plus violemment, cette fois-ci, enfin, pour son peu peu de force. Le son du bois qui frappait le bois résonna une seconde avant qu’elle ne reprenne.

“J’t’ai jamais dit d’accepter le diagnostique, gamin. Je te dis le contraire. Bas-toi contre. Attends pas un médecin, bouge ton cul.”

Parfois ces gamins ne voulaient juste pas comprendre ce qu’on leur disait. Alors elle allait lui marteler dans le crâne, jusqu’à ce qu’il comprenne ce qu’elle cherchait à lui dire.

“Y’a pas un seul médecin qui pourra faire ça pour toi, même a’ec une solution miracle. Ça dépend juste de toi.”

Il répliqua à sa proposition en insinuant que c’était ridicule. Zhihao soupira. Il n’était pas un médecin, il n’avait aucune idée de ce dont il parlait de toute façon.

“Impertinent.”

Ele souriait en lui envoyant l’insulte. De répliquer ainsi voulait probablement dire qu’il n ‘était pas encore briser. Il y avait encore les tisons d’un feu quelque paart dans son âme. Il suffisait de les attiser.

“Maintenant qu’tu l’sais, tu veux rester faible et misreux ou est-ce que t’veux en faire qu’que chose pis arrêter de te tripoter dans ta propre moisissure? Parce qu’au final, c’est la seule affaire qui compte. Tu nages ou tu coules.”

Plus dure sera la chute

Sanosuke n'était pas doué, quand il s'agissait de socialiser. Donner des ordres et les suivre il savait faire, il avait appris à faire, mais la dernière chose dont il avait besoin, en ce moment, c'était une leçon de morale. Oh il savait que chaque personne avait sa propre méthode pour se remettre d'un traumatisme et, si Sanosuke appréciait l'intervention de la vieille taupe, ses méthodes laissaient quelque peu à désirer. Il comprenait que cela allait avec le personnage, que sa réputation était aussi liée à son franc parler, mais il y avait un temps pour chaque chose, et le Takamoto n'était pas certain d'avoir la patience de poursuivre cette conversation, bien longtemps.

On lui avait appris l'importance de la piété filiale, le respect des anciens, ce qui était la seule raison pour laquelle il n'avait pas encore demandé à la vieille de fermer la fosse à purin qui lui servait de bouche. Il savait que l'histoire de la vieille était autrement plus difficile que la sienne, mais était-ce trop demander d'avoir cinq minutes, cinq petites minutes pour laisser le poids de la nouvelle lui écraser les épaules, avant de décider de se relever en prenant en compte la gravité de la situation ? Il avait toujours fait ce qu'on attendait de lui, et aujourd'hui on lui refusait même ces quelques secondes de pause ? Cette seule perspective lui laissa un goût amer au fond de la bouche, alors qu'il écouta d'une oreille les jérémiades de la vieille qui, à sa façon, essayait de provoquer une réaction chez le jeune homme.

L'amour vache, hein ? Il en reconnaissait les signes, bien sûr et, s'il aurait voulu lutter pour faire bonne figure, Sanosuke était juste trop fatigué pour faire face. Ainsi, face à la vieille qui lui demandait de lutter, une fois encore, il cracha un sec :

Vous pensez quoi ? Que je vais m'asseoir dans un coin et me laisser crever ? Quel genre de lavette est-ce que vous pensez que je suis ?

Son père n'avait pas élevé un couard. Il aurait préféré le punir à coups de bâtons plutôt que d'accepter de la lâcheté de la part d'un de ses fils. Et Sanosuke n'en était pas un, cependant il fallait bien avouer que la situation était...atypique. Une blessure était une chose, mais d'une telle gravité ? Et, surtout, sans aucune certitude quant à ses chances de guérison ? Il n'était pas médecin justement, et n'avait aucune garantie que ses efforts puissent accélérer cette guérison...peut-être même qu'ils auraient l'effet inverse.
Mais la vieille semblait savoir ce qu'elle faisait, ou peut-être était-elle juste très douée pour convaincre son monde que c'était le cas. Passant une main dans sa crinière d'ébène, soupirant à nouveau, Sanosuke écouta enfin ce ultimatum. Se relever ou rester à terre. Se battre ou mourir. Qu'allait-il choisir ? Ce choix, il ne l'avait pas vraiment et cette femme le savait aussi bien que lui. Ainsi, il avoua sans détour, sans aucune sympathie dans la voix, que :

L'abandon n'a jamais été une option. Ni maintenant, ni jamais. Je n'ai pas besoin de l'entendre de votre bouche pour le savoir, merci bien. J'ai juste besoin qu'on me foute la paix pendant deux minutes, le temps de mettre de l'ordre dans mes pensées. C'est plus clair, comme ça ?

Avait-il besoin de se relever, là, maintenant, tout de suite ? Cela ne pouvait-il pas attendre deux pauvres petites minutes ? Ce n'était pas comme s'il avait demandé l'aide de la vieille, soit dit en passant. Passant une main sur sa nuque qu'il sentait déjà lourde, le Takamoto tourna son regard vers la sortie, vers l'extérieur, vers le soleil et la vent plein de promesses, en avouant qu'il ne pouvait pas rester dans l'infirmerie plus longtemps, car :

J'ai besoin d'air. Je n'en peux plus de cet endroit. Il empeste la mort et le désespoir...

Et s'il restait plus longtemps ici, cette odeur allait finir par le corrompre. Il le savait.