Les profondeurs de l'âme

Vêtu d’une tunique Tangzhuang et d’un ample pantalon en soie gris, Feng est assis en tailleur dans ses quartiers et médite.

Sa discussion avec le Lieutenant de la Division Orientale avait été riche en informations et en émotions. Des choses qui avaient été passées sous silence pendant bien trop longtemps avaient été verbalisées. Et malgré la nuit de sommeil qui avait suivi, il a besoin de revenir sur tout cela et d’avancer. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas passé une si bonne nuit de sommeil, son ami l’avait aidé à faire la paix avec lui-même et s’était finalement confié sur un sujet qui lui tenait à cœur. Feng n’était pas sûr d’avoir eu toute la vérité, mais il en avait au moins eu un fragment et s’était vu confier une mission attestant de la confiance que Linh plaçait en lui.

L’homme à la longue chevelure d’ébène était parti de la soirée avec l’intention de prouver que ce n’était pas une erreur de la part du Lieutenant que de placer sa confiance en lui. Il était parti, bien décidé à trouver quelle était sa lumière et à en renforcer l’éclat. Lors de son sommeil, il avait rêvé. Et, au sein de ce rêve, la voix de son zanpakuto avait retenti. Le temps était finalement venu.

A peine avait-il ouvert les yeux qu’il s’était habillé et avait commencé une séance de méditation.

Cette fois, quelque chose est différent. S’agit-il du fait qu’il se sent plus en paix avec lui-même ? De sa détermination nouvelle ? Qu’importe. Le fait est que la voix de Bǐ'ànhuā semble plus claire, plus proche et plus douce que jamais. Il se sent comme emporté dans un autre monde, un endroit paisible.

Lorsqu’il ouvre son esprit et qu’il se retrouve dans son monde intérieur, il découvre un endroit sombre où de doux et chaleureux halos de lumière qui semblent émaner de fleurs repoussent cette obscurité. Son monde intérieur est envahi par de la végétation et par une multitude de fleurs. Certaines d’entre elles, plus lumineuses que les autres, semblent se rassembler pour former un chemin que l’homme décide de suivre. Il prend son temps, regardant à gauche à droite, s'imprégnant de l’endroit.


Après de longues minutes voire même de longues heures de marche, le shinigami parvient finalement à sortir de l'étrange forêt. Il arrive alors au niveau d'un grand étangs recouvert de nénuphars et de fleurs de lotus sur lequel s'élève un bâtiment à l'architecture traditionnelle orientale composé d'un pont. Au cœur de la structure se dresse une table et des sièges. Une femme à la chevelure rose est assise autour de la table. Elle se redresse lentement et s'étire. Le Hua n'a aucun doute quant à son identité : Bǐ'ànhuā, son zanpakuto.



Sa voix, plutôt grave pour celle d'une femme, résonne avec une certaine douceur dans le monde intérieur de Feng. Il a déjà eu l'occasion d'entendre la voix de Bǐ'ànhuā résonner dans son esprit lorsqu'il interagit dans la réalité cependant, elle lui semblait bien plus lointaine.


Feng reste silencieux et avance dans la direction de son zanpakuto qui reprend la parole, lui envoyant quelques piques mais étrangement, celles-ci lui semblent plus douces que jamais.



L'homme s'arrête à deux ou trois mètres de la table. Il est hésitant. Cette femme lui semble trop accueillante, cela s'éloigne tellement de l'image qu'il avait d'elle qu'il s'en méfie. Bǐ'ànhuā est belle et semble gentille, mais il sait qu'elle est dangereuse.



L'expression de la femme change subitement.  



Elle fait signe de s'assoir à son shinigami, il hésite un instant mais finit par se résoudre à l'idée de s'installer face à elle. Les mots de Bǐ'ànhuā sont aussi aiguisés que des couteaux. Feng sait qu'elle a raison -dans une certaine mesure du moins- mais c'est dur à entendre quand bien même il se doutait que sa première rencontre avec son zanpakuto ne serait pas facile. L'homme n'ose pas prendre la parole alors, naturellement la femme continue.



La voix de l'esprit est redevenu plus doux. Feng baisse la tête, pris d'un sentiment de culpabilité néanmoins, il ne peut pas non plus se contenter de garder le silence et de subir le courroux de son zanpakuto. Il a entrepris ce voyage vers son monde intérieur pour apprendre à mieux se connaître et pour gagner en puissance.



Alors qu'il prononce ces mots, il songe qu'il était pourtant prêt à se battre pour Linh et à tuer la personne responsable de la mort du roi Manaël pour lui. Au fond, Bǐ'ànhuā et lui ne sont pas si différent.



Feng pose ses deux mains à plat sur la table et incline le buste au point que son front vient se poser, lui aussi, sur la surface du meuble.



Le zanpakuto ponctue sa phrase par un clin d'oeil, une expression de surprise se dessine alors sur le visage du shinigami qui ne sait pas comment prendre les mots de son interlocutrice



Bǐ'ànhuā se met à rire à gorge déployée, fière de son coup et satisfaite de voir sa moitié toute confuse.



Bien sûr, le Hua n'a aucune raison de refuser de rejoindre son monde intérieur de temps en temps pour s'entraîner avec la forme astrale de son zanpakuto. Après ces quelques arguments de la femme, la conversation se poursuit pendant des heures. Les deux esprits se promènent au sein de ce monde coupé de la réalité et abordent toutes sortes de sujets. Certains d'une grande banalité, d'autres d'une profondeur philosophique effroyable. Le fait est que l'esprit que Feng craignait tant auparavant n'est plus si effrayant que cela. Leurs échanges lui permettent de découvrir à quel point ils sont proches quand bien même il note quelques différences qui pourraient être source de conflits à l'avenir, notamment ses avis tranchés parfois un brin cruels et ses sautes d'humeur.

Lorsqu'il retourne finalement à la réalité, l'image qu'il garde de son autre moitié est celle d'une entité paradoxale. Il retient également de cette expérience un sentiment de satisfaction si ce n'est de fascination. Il n'a pas entièrement compris son zanpakuto, il ne s'est pas totalement trouvé mais, il a définitivement mis le doigt sur quelque chose d'intéressant. Il s'est ouvert de nouvelles possibilités, de nouvelles pistes de développement. Un sourire se dessine sur ses lèvres : il a enfin réussi à franchir cette étape qui lui semblait jusque là insurmontable.