La queue entre les jambes [Ft Hua Feng]

La queue entre les jambes

A chaque mouvement, chaque impulsion de son corps le jeune Takamoto se rappelait encore du verdict donné par son médecin, quelques semaines plus tôt. Il se rappelait de l'homme lui disant qu'il pouvait s'estimer heureux, qu'il aurait pu finir paralysé ou pire, pour le restant de ses jours, s'il avait été moins chanceux, et qu'il devait être reconnaissance de pouvoir encore mettre un pied devant l'autre. Puis une ombre passa dans le regard du médecin, et Sanosuke se rappellerait toute sa vie. Les blessures étaient plus profondes qu'il n'y paraissait, et les impacts encore plus terribles que prévus. Il ne s'agissait pas juste de la nécessité de rééducation, mais d'une remise en question de l'endurance de son corps, et de sa capacité à absorber et traiter les particules d'énergie spirituelle.
En clair ? Il allait avoir du mal à se déplacer, se battre, et utiliser les sort de kido aussi efficacement qu'il le faisait jadis. Cette nouvelle laissa le Takamoto sans voix, pendant ce qui lui semblait être une éternité, et ce ne fut que lors de ses premiers entraînements en solitaire qu'il prit enfin conscience de la réalité de sa condition.

Dés qu'il faisait quelques passes d'armes il sentait déjà ses poumons brûler. Dés qu'il courrait un peu, il sentait déjà ses jambes lui supplier d'arrêter, et ne parlons même pas de ses médiocres démonstrations de kidos. C'était pathétique, simplement pathétique, mais malheureusement il était encore un officier, un shinigami et, à ce titre, il n'avait ni le temps ni le luxe de se lamenter sur son sort. Son ami de toujours, Toshiro, comprendrait sa situation et le soutiendrait, bien sûr, mais Sanosuke avait besoin de l'aide de la seule personne qui avait été capable de le pousser dans la bonne direction, à ses débuts. Qui ? Son instructeur, Hua Feng.

Sanosuke n'était pas fier de devoir revenir vers lui, mais il savait aussi que c'était sa fierté qui l'avait mis dans cette situation, alors...alors il allait devoir laisser de côté son ego brisé, pour le moment. Si Sanosuke chercha d'abord son instructeur à l'académie, l'officier comprit rapidement qu'il faisait fausse route et, à son rythme terriblement lent, il se dirigea vers l'étude des anciens. Balayant la salle de son regard bleu-gris perçant, Sanosuke repéra rapidement la silhouette de l'homme chercha et, prenant une profonde inspiration pour s'armer de courage, se dirigea lentement vers lui.
Sans brusquer l'homme, il s'arrêta à un mètre de lui, se penchant légèrement en avant, avant de faire connaître sa présence d'un :

Bonjour, maître. J'espère que je ne vous dérange pas.

Sanosuke n'était poli que par nécessité, et non pas par envie. Mais, même plus de deux siècles après la fin de sa formation, il témoignait toujours à l'homme en face de lui le respect qu'il méritait. Pourquoi ? Parce que, aussi arrogant que soit le Takamoto, il savait que sans les directives du Hua, il n'aurait pas pu communiquer avec son zanpakuto aussi rapidement qu'il avait réussi à le faire.
Attendant que l'homme lui réponde, pour ne pas déranger son maître dans ses études ou la lecture, le Takamoto continua alors, en expliquant à voix baisse, sur un ton plus humble que ce qu'on lui connaissait d'habitude :

Je crois que j'ai...besoin de vous, à nouveau, maître.

Il n'y avait rien qu'il pouvait faire pour son corps, pour le moment. Cela allait être un travail sur le long terme, mais sa sensibilité au reiatsu, et la communication avec son zanpakuto ? Ces points-là, peut-être pourrait-il les travailler avec l'aide du spécialiste. Avec une certaine amertume dans la voix, Sanosuke demanda alors confirmation d'un :

Vous savez...je me trompe ?

Les rumeurs allaient bon train, depuis son accident, quelques semaines plus tôt. Le Hua devait en avoir entendu quelques unes. Il devait être au courant de la condition physique de son poulain...non ?

La queue entre les jambes

L'Etude des Anciens et l'un des spots préférés de Hua Feng. Le calme qui y règne est agréable, propice à la réflexion et à la détente. C'est endroit où il peut se ressourcer lorsqu'il en ressent le besoin. Il aime s'y perdre et farfouiller pendant des heures à la recherche d'informations susceptibles de le sortir de son morne quotidien mais surtout, il enquête secrètement sur la Guerre des Ombres et des Serres. Certes, cette guerre s'est achevée il y a bien longtemps de cela néanmoins, l'assassinat du roi Manaël pourrait bien signer les prémices de nouveaux conflits. De plus, quand bien même les combats ont cessé il y a plusieurs siècles de cela, plusieurs mystères persiste dont l'étrange changement de comportement et les cachoteries de son ami d'enfance.

Bien entendu, malgré les heures que l'homme passe à étudier divers registres, il ne trouve rien de nouveau. Considérant qu'il a assez travaillé pour la journée, il se saisit d'un ouvrage traitant de mythes et légendes et s'installe tranquillement dans un coin. Après avoir lu une dizaine de pages, il se rend compte qu'il a déjà lu ce livre il y a quelques dizaines d'années de cela. Un soupir s'échappe de ses lèvres tandis qu'il se lève. Alors qu'il repose l'ouvrage sur l'étagère et qu'il se met à la recherche d'un nouveau récit à découvrir, des bruits de pas se rapprochant de lui attirent son attention.

Une expression de surprise se dessine sur son visage tandis qu'il découvre l'identité du nouvel arrivant : Takamoto Sanosuke, un de ses anciens élèves... actuellement, il était le plus brillant élève à qui il ait été donné d'enseigner. Sanosuke avait même réussi à obtenir le Cinquième Siège de la Division, malheureusement, il a récemment été rétrogradé. L'instructeur a entendu dire que c'était à cause de blessures graves. Il lui fait signe de se redresser avant de prendre la parole.

Sanosuke... Cela faisait longtemps...
Tu ne me dérange absolument pas... j'ai toujours du temps pour mes précieux élèves.

Le Siège déchu -quand bien même il occupe toujours une place d'officier- a beaucoup changé avec le temps. Feng ressent comme un pincement au coeur en le regardant ainsi. Lui qui était si fier et arrogant semble s'être adouci mais bien qu'il s'agisse d'une bonne chose, les circonstances n'en sont pas moins tristes. " Je crois que j'ai...besoin de vous, à nouveau, maître" dans l'une de ses journées de nostalgie, l'instructeur aurait certainement versé une larme tant cette phrase le touche.

Hélas... J'ai voulu te rendre visite aux quartiers médicaux, la semaine dernière, lorsque j'ai appris la nouvelle... mais, tu étais déjà parti... J'espère que tu as pris un peu de temps pour toi... pour te détendre... essayer de te changer les idées.

L'homme marque une pause. Bien qu'il ait eu une fille, celle-ci le haït et s'est détachée de lui si bien qu'ils ne se sont pas parlés depuis des années. Il considère ainsi ses élèves comme ses propres enfants. S'approchant du fier Sanosuke, il pose ses mains sur les épaules de ce dernier dans un élan d'affection.

Si je peux faire quoique ce soit pour toi... t'écouter... parler... t'accompagner quelque part... te présenter à quelqu'un... te donner des enseignements... N'hésite pas.
Sache que je suis là, ma porte est toujours ouverte.

La queue entre les jambes

Par choix ou par habitude, Sanosuke n'avait jamais été un homme qu'on pouvait qualifier d'avenant ou de chaleureux. Si jadis il était un individu assez égocentrique et sec dans ses paroles, trop brutalement franc pour son propre bien, aujourd'hui il était devenu bien plus en retrait, discret. Beaucoup y voyaient là une marque de la faiblesse qui avait fini par enfin le rattraper, tandis que lui y voyait une bien rude leçon qu'il n'avait pas nécessairement le sentiment de mériter. Mais c'était ainsi. Le pire lui était arrivé, et c qui déterminerait l'avenir serait sa capacité à se redresse...ou rester là, un genou à terre, le visage dans la boue.

Dans ces moments-là il voyait encore le visage de son frère, de toutes ces langues de vipère, et son cœur se retournait à l'idée de leur donner raison. Aussi avait-il décidé de retourner voir son maître et, heureusement, ce dernier ne semblait pas opposé à l'idée de l'écouter.

Merci, maître.

Il avait toujours été gentil, même lorsque Sanosuke ne méritait vraiment pas de l'être. Encore aujourd'hui le Takamoto se demandait bien pourquoi. Son maître avait toujours été attentionné, même lorsque le Takamoto était infect et, même des siècles après, il s'inquiétait toujours pour son élève. Venant s'asseoir à côté de son mentor, ce fut avec déférence qu'il écouta l'homme, jusqu'à ce que ne vienne le sujet de prendre soin de lui. Il aurai pu mentir, dire que tout allait bien, mais son mentor arrivait toujours à lire à travers lui, alors à quoi bon ? Dans un soupir, il avoua :

Je...je n'y arrive pas, maître. C'est tout ce à quoi je pense, depuis ces dernières semaines.

Prenant une courte pause, il décida de prendre le Hua aux mots, lorsque celui-ci lui tendit une main secourable, pour ainsi dire. Parler ? Il ne savait pas trop que dire, pour le moment. Il préférait bien mieux essayer d'avancer car, à force d'efforts, peut-être parviendrait-il à retrouver sa forme d'antan, plus vite que les médecins ne le pourraient. C'était son objectif, en tout cas. Ainsi, il annonça :

C'est justement pour cela que je suis ici, maître. Il n'y a rien que je puisse faire pour mon corps, pour le moment, mais...j'ai besoin de continuer à avancer.

Prenant une courte pause, il se pencha en avant et, dans un but de discrétion, il tourna son regard bleu-gris vers son maître, avant de lui demander sur un ton qui ne souffrait d'aucune ambiguïté :

Accepteriez-vous de me reprendre, comme élève ?

Il avait besoin d'avancer, et il ne pouvait le demander à personne d'autre que l'homme qu'il avait devant lui. Il était celui qui le connaissait le mieux. Celui qui serait le plus à même de comprendre les impacts de ces blessures sur le corps du Takamoto, et proposer un plan d'action approprié pour ne pas qu'il végète. Il était un guerrier, après tout. Il avait besoin d'une direction à prendre.

La queue entre les jambes

Bien que Feng ait demandé à son élève si celui-ci avait pris du temps pour lui, il se doutait déjà de la réponse. Pour quelqu'un qui a atteint le sommet, la chute n'en est que plus douloureuse. Et c'est d'autant plus vrai avec certaines personnalités fortes et emplies de fierté. Il ne connait pas le détail de la mission qui a mal tourné, mais celle-ci a probablement été traumatisante pour lui.

Je vois... cela te ressemble bien...
Est-ce que tu veux me raconter... comment... c'est arrivé ?
Tu n'es pas obligé, si c'est trop douloureux...

Voyant que Sanosuke semble plus ouvert à la discussion que jamais, il en profite pour demander plus de détails. En connaissant les circonstances de ses blessures, il sera certainement plus à même d'aider. Voir qu'une si jeune âme avait abandonné l'espoir de pouvoir recouvrer l'usage complet de ses capacités physiques emplit l'instructeur de tristesse. Mais qui est-il pour juger le Takamoto ? Il ne pourrait jamais comprendre ce qu'il ressent. Et puis, il avait lui-même abandonné la voie de l'épée par manque de talent et de motivation. Il n'a donc aucun droit de lui dire de ne pas abandonner et de continuer sur la voie de l'épée surtout que diversifier ses capacités ne peut pas faire de mal au jeune homme.

Je n'ai jamais considéré que tu aies cessé d'être mon élève quand bien même tu as su t'élever plus haut dans la hiérarchie.
Je serais ravi de te donner de nouveaux cours et de te permettre de reprendre la place qui t'es due.

Hua Feng porte sa main à son menton. Il se demande quels genres d'enseignements il pourrait dispenser à un shinigami qui a su s'élever au Cinquième Siège le plus important de la Division Orientale. Après quelques instants de silence, il décide d'impliquer son interlocuteur dans sa réflexion.

Est-ce que tu as une idée des talents que tu aimerais développer ?
Nous pouvons parler histoire, stratégie pour développer tes connaissances... ou nous pouvons nous lancer dans des exercices plus spirituels afin d'améliorer ta maîtrise du reiatsu ou ton lien avec ton zanpakuto si tu désires développer des talents plus tangibles.

Il lâche un long soupir, faisant exprès d'afficher une mine triste ou exaspérée pour taquiner Sanosuke, tout en soulevant un point important : Feng a besoin de connaître les talents de son élève pour mieux le guider. Or, cela fait longtemps que ce dernier n'a pas donné de nouvelles ainsi, il ignore ce qui serait bon de lui enseigner ou bien ce qu'il est en mesure de lui enseigner.

Tu viens voir si rarement ton vieux maître que celui-ci ne sait même plus où tu en es dans ta progression...

La queue entre les jambes

Cet état de faiblesse actuelle, cette tête baissée et ses épaules voûtée...ce n'était pas l'homme que devait être Sanosuke. Il était de ceux qu'on pensait inateignables, de ceux qui bravaient le danger avec le sourire aux lèvres, de ceux qu'on détestait et qu'on respectait en même temps, car rien ne semblait capable de le blesser. Il avait toujours été rapide. Rapide à agir, rapide à frapper, rapide à esquiver et, à force de victoires, il avait finir par laisser son orgueil et sa fierté croître de jour en jour, jusqu'à presque se croire invincible. C'était cette arrogance qui l'avait poussé à prendre des risques inconsidérés et, aujourd'hui, il en payait le prix.
Assis à côté de son maître, le regard dans le vide, Sanosuke porta sa main à son torse, lorsque son maître l'interrogea sur ce qu'il s'était passé. En un instant les souvenirs remontèrent à la surface et, déjà, le Takamoto serra la main contre son torse, là où il avait été grièvement blessé, quelques semaines plus tôt.

C'était...une mission de routine. J'ai cru pouvoir sauver un enfant, je me suis interposé face à un hollow et...je me suis fait dominer. Écraser.

Il ne pouvait pas dire qu'il avait bondit car il cherchait la gloire, ou encore qu'il avait été sauvé par une créature masquée dont il ne savait rien. Cette dernière partie était encore un peu trop confuse dans sa tête. L'officier repassait chaque seconde de son combat, dans sa tête, jour après jour depuis qu'il avait repris connaissance. Il essayait de comprendre là où il avait fauté, repensant à ses mouvements, à ceux de son adversaire en réalisant qu'il n'était tout simplement pas assez fort. Ce n'était pas une question de malchance. Il avait été dominé, purement et simplement.
Retenant un soupir de lassitude, face à ces douloureux souvenirs, Sanosuke fut soulagé d'entendre son maître accepter sa requête. Sano aurait pu aller vers n'importe qui d'autre, mais de tous ses tuteurs de jadis c'était encore avec Feng qu'il s'entendait le mieux. Autant utiliser une combinaison qui avait fait ses preuves, non ? Bientôt le mentor commença à rentrer dans le vif du sujet, interrogeant son élève sur ce qu'il voulait travailler. Le corps ne dépendait pas de lui, mais le reste ? Le reste, il pouvait le travaille.
Passant une main dans sa chevelure d'ébène, comme pour mettre de l'ordre dans ses pensées, il rassembla quelques idées, avant de rebondir sur les deux derniers points mentionnés par son maître.

Mon endurance n'est plus ce qu'elle était, mon énergie spirituelle non plus. Ces deux points-là dépendent de la capacité des médecins à remettre mon corps sur pied. Mais, en attendant, travailler sur ma maîtrise du reiatsu, et surtout sur mon zanpakuto n'est pas une mauvaise idée.

Certaines choses resteraient sans doute hors de portée, en raison de sa faiblesse imposée, mais il n'avait pas le choix. Il devait essayer. Se pousser en avant. Repousser ses limites, encore et encore, car il ne pouvait pas attendre que les médecins fassent tout le travail, pour lui. Chaque respiration était lourde, forcée ces derniers temps. Que pourrait-il bien espérer accomplir, le jour où il serait envoyé en mission ? Dans son état actuel il n'était utile pour personne, et une arme inutile était une arme rapidement abandonnée, rapidement remplacée.
Cependant son mentor, bien que moqueur, soulevait un point intéressant. Le Takamoto ne donnait que rarement de nouvelles, surtout à la personne qui l'avait aidé à être l'homme qu'il était devenu. Décidément, il avait été bien con et, conscient de ce constat, ce fut avec une mine basse qu'il confirma :

Je n'ai pas d'excuse, maître. J'ai agi comme un crétin, ingrat.

Instinctivement, sa main vint se poser à nouveau sur son torse, comme s'il essayait de sentir les cicatrices des terribles blessures à travers ces vêtements, alors que les souvenirs remontaient à la surface. Serrant la mâchoire, face à ce flot de frustration et de colère, l'officier déchu souffla :

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi, si je ne retrouve pas rapidement ma forme d'antan. Enfin si, je sais, mais c'est...inconcevable. Je vous jure, j'ai la haine. Être vaincu c'est une chose, mais être...

Il s'arrêta un instant, conscient qu'il en avait trop dit, une fois encore. Décidément, il avait toujours eu la bouche trop bien pendue, à son goût. Balayant les environs, pour s'assurer que personne ne l'écoute, Sanosuke se pencha en avant, vers son maître, pour lui souffler enfin :

J'ai été sauvé. Pas par l'un de mes frères d'armes, mais par une silhouette masquée. Humanoïde, de ce que j'ai pu en juger. Je n'ai aucune idée de ce que c'était.

La queue entre les jambes

Sauver un enfant, une mission apparemment si simple et qui pourtant lui aura coûté cher. Les mots employés par l'Ancien Cinquième Siège sont forts... très forts, si bien que l'instructeur n'a aucune difficulté à imaginer la terreur ou du moins le sentiment de faiblesse qu'a pu ressentir son élève. Les apparences sont trompeuses. Et Feng sait mieux que quiconque qu'un ennemi bien connu peut cacher des surprises après l'expérience plus que déstabilisante qu'il a vécu lors de la Guerre des Ombres et des Serres. Cela ne l'étonnerait pas qu'un nouveau type de hollow soit apparu ou que ceux-ci aient adopté de nouvelles stratégies de chasse susceptibles de mettre en déroute des shinigamis pourtant aguerris.

Je ne sais pas comment cela s'est produit... mais saches que tu n'as pas à avoir honte. J'ai vu de nombreux shinigamis mourir au cours de mon existence dont certains qui étaient bien plus forts que moi...

Le noble déchu songe à sa défunte femme. Elle était belle, intelligente, avait une personnalité bien plus facile à vivre que la sienne et elle était bien plus forte. Pourtant, elle était au front lorsqu'elle a rencontré un des premiers dragons shinigamisés. Cet ennemi pourtant bien connu avait subi une transformation des plus imprévues et ce nouveau facteur encore inconnu avait pris au dépourvu et entraîné la mort de bien des soldats. Hua Feng en a retenu qu'il faut toujours se préparer au pire. Pendant plusieurs secondes, le regard du shinigami se perd dans le vide tandis qu'il se remémore de souvenirs lointains.

Dans ce cas... commençons donc par-là.
Où en es-tu avec ton zanpakuto ? Et ta maîtrise du Reiatsu ?

Le visage du shinigami dévoile une expression de surprise lorsque son élève exprime embarras pour ne pas avoir donné de nouvelles à son instructeur. Puis, le visage de Feng s'adoucit.

Ne t'en fais pas.
Je mets ça sur le coup de la jeunesse... et puis, je ne m'attends pas vraiment à ce que mes élèves témoignent de la reconnaissance pour les cours que je leur dispense.

Sanosuke semble véritablement confus. Cela se comprend. Il a toujours connu la santé et le succès, connaître ainsi la défaite, la honte et la faiblesse n'a pas dû être facile et sans doute en a-t-il encore pour un moment avant de pouvoir vraiment se relever. Il n'existe pas de solution miracle et il tient à le souligner, mais il veut aussi permettre à son interlocuteur de voir une lueur d'espoir même si elle est encore au loin. Bien qu'il ne l'exprime pas ouvertement, l'instructeur pense que cette faiblesse passagère est peut-être une bonne chose, offrant une possibilité à son élève d'apprendre la modestie et l'empathie.

Tu es jeune. Tu as encore toute la vie devant toi. Tu t'en remettras, tu as juste besoin que le temps panse tes blessures... ou la famille et les amis. Ca aide beaucoup d'être entouré. Tu es de bonne famille, non ? Tu dois être bien entouré...

Un frisson parcoure l'échine de l'ancien face aux informations révélées par le Takamoto. Une silhouette humanoïde. Masquée. Quelque chose dont il ignore la nature et l'origine. Entre le Voile, ça et la mort du roi Manaël... il y a décidément quelque chose qui cloche. Tous ces faits étranges en si peu de temps... Un nouveau type de hollow, un nouveau type de dragon ou autre chose ? Quoiqu'il en soit, Feng n'a pas hâte de découvrir de quoi il s'agit bien que la chose ait aidé son élève, qui sait ce qu'elle a derrière la tête. Après une courte pause, il répond à son tour en chuchotant.

Certains hollows peuvent retirer leur masque... mais un humanoïde masqué ? Il a parlé ?
Cela n'augure rien de bon...
Peut-être devrions nous nous éloigner des oreilles indiscrètes...

La queue entre les jambes

Sanosuke avait toujours été sûr de lui, parce qu'il avait des raisons de l'être. Il n'était pas stupide ou aveugle, face à l'évidence. Il avait des facilités dans l'art du sabre et, pour le reste, il avait travaillé dur pour en arriver là où il était. Il n'était pas un génie de l'effort, pas un prodige naturel non plus, mais il avait fait au mieux avec les cartes qui lui avaient été distribuées, à la naissance. Il ne s'était jamais excusé de sa réussite et n'avait aucune intention de le faire, même après son accident. Il était un bon élément de sa division, un élément fiable, dévoué et déterminé. N'était-ce pas tout ce qu'on pouvait attendre, d'un homme comme lui ? Il n'avait pas besoin d'être un génie, ou de travailler dix fois plus que n'importe qui, pour apporter sa pierre à l'édifice.

Mais aujourd'hui...en était-il encore seulement capable, ou était-il irrémédiablement devenu l'officier le plus faible de la division orientale ? Était-il devenu le couteau le moins affûté du groupe ? La nouvelle était encore trop fraîche pour qu'il soit optimiste, sur le sujet, mais il savait que l'abandon n'était pas une option. Même blessée, sa fiertée était toujours là et il ne partirait pas sans combattre. Une victoire, juste une victoire...
Comme d'habitude son mentor trouvait toujours les bons mots, mais la honte faisait encore partie de l'équation, pour le moment en tout cas. Sanosuke ne savait pas trop quoi en faire, mais il allait devoir être patient, une fois encore. Lorsque le sujet des entraînements à venir fut mentionné, Sanosuke porta un regard furtif à son zanpakuto qui pendait à sa ceinture, admettant :

Ma maîtrise de mon shikai est bonne, mais je sais que je pourrais faire mieux. Et ma sensibilité au reiatsu est...correcte, mais ma perception du reiatsu n'est pas là je voudrais qu'elle soit.

Il s'était concentré sur la maîtrise du zanpakuto et avait sans doute négligé certains autres points. Être un bon épéiste était une chose mais, s'il voulait être un officier compétent, il devrait être complet, pour parer à toute éventualité. C'était ce que sa mère avait essayé de lui faire comprendre, de son vivant, mais apparemment le Takamoto était juste trop têtu pour vouloir l'entendre, à l'époque. Décidément, avec ses parents comme son maître, il avait été bien sourd et ingrat, mais cette cuisante défaite lui avait au moins servi de rude leçon. Restait à savoir, encore, ce qu'il allait en retirer. Seul le temps pourrait le dire mais, pour l'heure, il savait au moins une chose.

Et pourtant, je devrais. Sans vous, je ne serais pas arrivé là où j'en suis, aujourd'hui. Sans vous, je serais sans doute mort, au lieu de simplement blessé.

Simplement blessé...simplement...ce mot tira un sourire amer au jeune homme, alors qu'il abordait le sujet le plus honteux de tous, celui du sauvetage par une personne ou une créature dont il ne savait rien. Le sujet semblait intriguer son mentor, tout autant que lui, mais le Hua avait la présence d'esprit de vouloir garder cette discussion un peu plus secrète. Hochant la tête, son élève abonda dans son sens d'un :

J'allais le suggérer. Une petite marche nous ferait du bien.

Enfin pas à lui, car au bout de quelques minutes il n'en pourrait sans doute déjà plus. Mais le jeu en valait la chandelle. Il fallait souffrir pour être beau...enfin non, ça il l'était déjà. Ah, voilà ! Il fallait souffrir pour survivre ! Serrant les dents, il se redressa et, ouvrant la marche, s'extirpa hors du bâtiment à son rythme. Levant les yeux, il capta rapidement l'arc descendant de l'astre solaire, avant de faire quelques pas loin des curieux. Un pas après l'autre, restant à côté de son maître, il expliqua :

Je ne sais pas s'il s'agit d'un hollow, ou d'autre chose. D'habitude, un hollow en dévorerait un autre, pour gagner en force, mais celui-ci ne l'a pas fait.

Essayant de se remémorant les détails de la scène, il mima avec ses mains la taille de l'arme que la créature maniait, avant de poursuivre son explication. Il n'y avait pas grand chose à dire sur le sujet, mais toute information était bonne à donner.

Tout ce que je sais c'est que cette créature était rapide, portait un masque de hollow et, dans sa main, elle maniait ce que j'ai supposé être un zanpakuto. J'aurai aimé en apprendre plus, mais tout ce que je garde de cette expérience, c'est ceci.

Joignant le geste à la parole, prenant une profonde respiration pour s'armer de courage, Sanosuke porta une main à sa tenue et écarta légèrement le tissu, pour laisser entrevoir les cinq marques, les traces de l'attaque qui avait percé sa poitrine. L'attaque qui avait failli lui prendre la vie.

La queue entre les jambes

A entendre Sanosuke, il ne s'en sort pas si mal que ça pour un grand blessé. Feng doute avoir grand chose à lui apporter sur le long terme, bien que handicapé son disciple semble plus fort que bien des soldats. Son perfectionnisme pourrait un jour lui coûter cher mais, si c'est ce qui l'aide à tenir pour l'instant, alors ce n'est peut être pas une si mauvaise chose.

De ce qui me semble comprendre, tu m'apparais comme déjà plus fort que la moyenne des shinigamis. Tu es trop exigeant avec toi-même mais, je ferai ce qui est en mon pouvoir pour te guider sur la voie que tu as choisi.

Ce que l'instructeur ne dit pas, c'est qu'il est lui aussi bloqué avec son Zanpakuto. Bǐ'ànhuā est d'une nature capricieuse et daigne rarement parler à son shinigami, si ce n'est pour se moquer de lui. Mais, l'homme croit percevoir un peu d'amélioration. Ces trois dernières années, Bǐ'ànhuā s'est moins moquée de lui. Peut-être y a-t-il un peu d'espoir après tout.

Même si mes élèves ne me remercient pas forcément, le simple fait de savoir que mes enseignements ont pu leur sauver la vie, ne serait-ce qu'une fois est amplement suffisant. Si je cherchais la reconnaissance, je ferais autre chose et je ne me contenterait pas du Sixième Siège depuis plus de 150 ans déjà.

Suite à la révélation que Sanosuke vient de lui faire, l'officier propose de sortir. Son interlocuteur accepte et, hochant la tête, l'homme prends la direction de la sortie, veillant à ne pas marcher trop vite afin que le blessé ne se trouve pas sous une quelconque pression ou sujet à une douleur qui aurait pu être évitée. Après avoir pris un peu de distance et vérifié qu'aucune oreille indiscrète ne traînait, les deux shinigamis reprennent leur conversation. Pour l'ancien, les informations données par la jeune âme sont des plus intrigantes.

Il n'a pas cherché à se repaître de l'autre hollow ? Tous ne sont pas si voraces, mais je vois ce que tu veux dire... C'est quand même très étrange...
Un masque de hollow et un zanpakuto... je n'ai jamais entendu parler de ça auparavant... Et le fait que cette chose t'aie sauvé... pourquoi ? A-t-il aidé consciemment ou avait-il un autre but ?

L'homme marque une pause, soucieux. Il se demande si Linh est au courant de quoique ce soit. Ce serait ça le secret qu'il cache ? Non, surement pas. Cet être masqué, s'il existait depuis des centaines d'années, son existence serait certainement déjà recensée, surtout s'il interagit avec des shinigamis et des hollows. Feng lâche finalement un soupir.

Encore une créature qui a muté...
Tu en as parlé à d'autres personnes ?

La queue entre les jambes

Il y avait beaucoup de nobles et puissantes familles qui peuplaient la division orientale, depuis des siècles et des siècles. Chacune avec sa propre identité, sa propre culture, sa propre façon de sortir son épingle du jeu. La famille Takamoto n'avait jamais eu de telles identités. Ses premiers membres étaient des philantropes, des personnes proches du petit peuple, mais ce pont avait été oublié depuis bien longtemps. Les Takamotos n'étaient pas les plus puissants des bretteurs, pas les plus grands experts en kido non plus, alors où pouvaient-ils briller ? Comment pouvaient-ils sortir leur épingle du lot ? Chaque nouvelle génération implémentait de nouvelles traditions, de nouveaux exercices en espérant enfin trouver, enfin faire la différence, mais les résultats étaient trop minimes pour être notés.

Tetsuzan, shinigami fort et fier, avait décidé d'entraîner personnellement ses deux premiers fils à l'art du combat à l'épée en espérant que, à force d'entraînement, une certaine coopération naîtrait entre les deux garçons. La coopération fut à la place supplantée par la coopération, chacun luttant pour dominer l'autre, au fil des décennies qui suivirent. Si au départ ils luttèrent pour obtenir l'attention de leurs géniteurs, cette attention fut rapidement remplacée par les lauriers et les faits d'armes. On aurait pu croire que le décès de leurs parents finirait par les rapprocher....mais Shinichi et son frère, Sanosuke, étaient plus en froid que jamais, aujourd'hui. Sanosuke pourrait-il un jour revenir chez lui ? Le voulait-il seulement, face au silence de reste de sa famille ? C'était un point resté sans réponse, pour le moment.
Il ne pouvait rien faire. Son frère était l'aîné, le chef de famille. C'était lui qui prenait les décisions, et Sanosuke ne pouvait rien y changer, alors à quoi bon protester et s’époumoner, pour rien ? Il avait un objectif plus urgent, celui de rattraper son retard. Oh il savait bien qu'il était bon sur certains points, meilleur que certains officiers, mais le problème venait de sa capacité à suivre le rythme. Il expliqua alors :

Mon corps s'essouffle beaucoup plus vite qu'avant. Je ne peux pas tenir la distance alors, en attendant qu'on trouve un moyen de régler ce problème-là, je préfère travailler les autres points, pour limiter le retard que je prendrai. Pour compenser ma...faiblesse.

Ce mot, il avait presque dû le cracher tellement il était difficile à prononcer. Mais oui, il était faible. Il n'était que l'ombre de la personne qu'il fut jadis, et il n'arrivait pas encore à le digérer. Alors il allait devoir se bouger les fesses mais, avant cela, il se devait d'expliquer en détail les circonstances de ses blessures, en espérant pouvoir y retirer quelque chose qu'il pourrait utiliser.
Une fois à l'extérieur, il mentionna donc le hollow – dont l'image était toujours ancrée dans sa tête -, ainsi que son sauveur masquée, et l'arme qu'il portait. Certains détails de la scène étaient toujours un peu flous, blessure grave oblige, mais voilà tout ce qu'il arrivait à en tirer, pour le moment. Comme prévu, son mentor avait sa propre vision des choses, et ses propres questions à poser, mais malheureusement la lame brisée n'avait pas beaucoup de choses à raconter sur le sujet. Haussant les épaules, presque imperceptiblement, il confirma que :

Je n'en sais rien. Je ne saurais dire s'il s'agit d'un allié, de l'ennemi de mon ennemi, ou d'une simple...coïncidence, qu'il se soit trouvé là. Je n'ai pas su sentir sa présence, avant qu'il n'intervienne.

Le Takamoto se rappelait à peine du combat entre les deux bêtes masquées. Son champ de vision avait rapidement viré au rouge, après que les griffes du hollow n'aient percé sa poitrine. Pendant quelques secondes il avait essayé de lutter, pour garder intacte sa conscience, avant que son esprit ne finisse par dériver ailleurs, pour le protéger de la douleur, sans doute.
Vint alors la dernière question. A qui en avait-il parlé ? Il avait posé les détails par écrit, dans son rapport de mission, une fois qu'il fut en état de le faire, mais avec qui en avait-il discuté de vive voix ? Personne, pour le moment, malheureusement. Passant une main à l'arrière de sa tête, il avoua :

Je l'ai mentionné dans mon rapport, bien sûr. Mais, de vive voix, je n'en ai parlé qu'à vous et Toshiro, le quatrième siège. Je n'ai pas encore eu de retour, vis à vis de mon rapport d'intervention. J'envisageais d'aller voir le lieutenant Hoang à ce sujet...

La queue entre les jambes

Feng a l'impression que ses mots n'atteignent pas son disciple. Aussi mal en point a-t-il pu être, aussi brisé à pu être son égo, le jeune shinigami se montre plus têtu que jamais. Il lâche un soupir, comprenant qu'il n'arriverait certainement pas à le convaincre. Lui aussi s'est déjà montré têtu comme ça, il y a des siecles de cela. A cette époque, il avait un sale caractère et à cause de ça, il avait été amené à se disputer avec son frère. Pendant des dizaines d'années, ils ne se sont pas dit le moindre mot. C'est sa femme qui a réussi à le faire changer, menant à leur réconciliation. Il avait amèrement regretté toutes ces années qu'il avait perdu avec la seule famille qui lui restait. Lorsqu'il l'avait retrouvé, son frère avait bien changé et son enfant était méconnaissable. Le Hua masse ses tempes pour se reconcentrer sur l'instant présent. Il se demande dans quelle situation se trouve Sanosuke vis à vis de sa famille sans parvenir à exprimer ses pensées.

Inévitablement, il laisse tomber son idée. Si son interlocuteur souhaite parler de sa situation familiale, il le fera sans que l'ancien doive forcément le questionner. De toute façon, ils ont d'autres choses à discuter.

L'ancien Cinquième Siège avoue ne pas avoir sentI la Chose arriver. Tout comme il confie n'avoir aucune idée des intentions de celle-ci. Beaucoup de mystères planent autour de cette mystérieuse entité. L'instructeur n'en dit rien mais il pense à plusieurs scénarios possibles. Le premier serait une hallucination causée par la perte de sang et le choc. La seconde serait que l'entité était en fait un shinigami ayant employé une illusion ou créé un masque imitant celui des hollows dans le but de cacher son identité. Mais pourquoi ? Serait-ce un déserteur ? La troisième possibilité est qu'il s'agirait d'une entité nouvelle, mais Feng préférée pas trop y penser, c'est pourquoi il l'a placée en troisième position. Cependant, ce serait de loin le pire scénario or, la prudence voudrait que l'on considère le pire comme le plus probable et que l'on s'y prépare. De plus, l'homme imagine sans peine que son élève a besoin d'être soutenu, qu'on lui fasse confiance.

Si tu n'as pas su sentir sa présence, cela devait être un maître en matière de camouflage. Je crois en toi et en la clarté de ton esprit. En partant de ce postulat, avec un peu de réflexion, je pense qu'il y a deux possibilités.
Soit c'était un ancien shinigami... quelqu'un qui a été banni ou qui a déserté... soit c'est une entité nouvelle naît de je ne sais quelle mutation et aux motifs inconnus.

L'ancien marque une pause, posant ses poings à ses hanches. Il n'est pas extrêmement proche de Nagamine Toshiro, mais ila ont déjà combattu ensemble et sa réputation n'est plus à faire. C'est rassurant pour lui de savoir que Sanosuke a un ami comme lui -de par la façon dont il parle de son supérieur il y a peu de doute quant à leur relation-.

Il est possible que quelqu'un soit déjà sur l'affaire comme il est possible que ton rapport ait été négligé à cause d'une surcharge de travail ou parce que la personne qui l'a lue s'est dit que tu as mal vu ou que tu hallucinais.. Je suis ravi de voir que tu as d'autres personnes pour t'épauler, je te croyais grand solitaire et ça m'inquiétait un peu.
Et sinon, je pense que ça peut être une bonne idée de parler à Linh.

Ami d'enfance du Lieutenant, Feng a toujours eu des difficultés à l'appeler par son nom de famille ou à utiliser de honorifique avec lui. Pour quelqu'un d'extérieur, cela doit être étrange, parfois cela peut même passer pour de l'irrespect. L'officier s'en moque tant que cela ne dérange pas Linh outre mesure. Après tout, il tient à son ami, le respecte beaucoup et lui fait entièrement confiance bien qu'il ait du mal à supporter ses petites cachotteries.

Si tu pars à sa rencontre, j'aimerais bien que tu me tiennes au courant de ce qu'il t'aura dit... A part si tu préfères que je t'accompagne.

La queue entre les jambes

Si le fait de sur-réfléchir était un sport olympique, Sanosuke en aurait plusieurs fois remporté la médaille d'or. Depuis son accident il avait rejoué la scène des dizaines, des centaines de fois pour réfléchir à ce qu'il avait pu manquer. Il avait essayé la méditation, avait même pensé à l'hypnose mais, malgré toutes ces tentatives, il n'avait rien réussi à tirer de son sauveur. Pas une trace d'énergie spirituelle, pas un indice, rien. La douleur était telle qu'il n'avait pensé à rien d'autre et, aujourd'hui, il regrettait cette distraction.
Son maître commençait déjà à élaborer quelques théories sur l'identité de ce sauveur masqué et, si son élève hochait la tête d'un air absent, le concerné ne savait pas trop quoi en penser, pour le moment. Il préférerait identifier son sauveur comme un shinigami, effectivement, mais quid du masque ? L'identité de l'entité inconnue posait bon nombre de questions auxquelles Sanosuke n'avait pas de réponse, pour le moment. Il devrait donc se montrer patient et attendre d'en apprendre davantage, avant de se replonger sur le sujet.

Pour l'heure, le sujet du rapport revint sur la table et, si le Hua émettait déjà quelques commentaires, il fut apparemment soulagé de voir que son élève avait quelqu'un à qui se confier, à part lui. Surprenant ? Cela l'était, oui, car le Takamoto n'avait jamais été très doué pour faire la conversation. Aussi, il avoua sans réelle honte :

Je le suis, maître. Je n'ai jamais vraiment su comment...connecter, avec mes congénères. Toshiro est à peu près la seule personne, à par vous, capable de supporter mon sale caractère. Je peux difficilement le tenir dans le noir, pour ce genre de chose.

Il avait toujours été ainsi et ne s'en excuserai pas. Il faisait son travail et c'était tout ce qu'on lui demandait...du moins était-ce le cas, avant son accident. Il ne savait pas combien de temps sa guérison prendrait, ou s'il pourrait un jour revenir à son état de jadis mais, en attendant il devait continuer à faire son petit bonhomme de chemin. Cela commençait par des entraînements, bien sûr, mais aussi par une recherche de certaines réponses. Il ne savait pas trop ce qu'il espérait trouver, en dévoilant l'identité de son sauveur mais...il avait besoin de savoir, tout simplement. Aussi, quand son maître se proposa de se joindre à lui, pour son entretien avec leur supérieur, Sanosuke se fendit d'un sourire poli, en rejetant l'offre d'un :

J'apprécie la proposition mais je pense pouvoir me débrouiller, tout seul. Vous serez évidemment la première personne que je viendrai prévenir, après mon entrevue...si j'arrive à en avoir une.

Il ne prendrait pas non pour une réponse, de toute façon. Bon, au moins une bonne chose de faite. Restait à présent à réfléchir à comment ils allaient s'organiser, pour leurs sessions à venir. Sanosuke était coincé derrière un bureau, à heures fixes, aussi pourrait-il aisément s'adapter, dans la mesure du raisonnable. Il laissa donc à son maître l'occasion de mener la danse, en lui proposant en définitive :

Je vous laisse donc me contacter, quand vous aurez le temps, pour me donner vos disponibilités pour nos séances à venir ? Votre emploi du temps doit sans doute être bien plus chargé que le mien, je me calerai sur votre rythme.

Une fois que ce serait établi ils pourraient rentrer, chacun de leur côté. Cette conversation avait réussi à soulever quelques questions pour le Takamoto, et ce dernier allait sans doute y réfléchir, à son retour dans ses quartiers.

La queue entre les jambes

Parfois, Feng aimerait que son élève lui mente ou du moins qu'il tente d'embellir un peu la réalité. Certes, le mensonge laisse un goût amer en bouche lorsque détecté néanmoins, il peut permettre d'éviter que l'on se fasse trop de soucis. En ces temps troubles pour Sanosuke, l'instructeur aurait aimé que celui-ci soit bien entouré. Il n'a pas vraiment de doute quant à la bienveillance de Toshiro mais il doute que celui-ci puisse, seul, panser les plaies invisibles du Vingtième Siège.

Se connecter aux autres n'est pas si difficile. Je suis sûr que tu y parviendras, essaie juste de ne pas repousser les autres et de sourire un peu.
Si tu t'es fait un ami, il n'y a pas de raison pour que tu ne puisses pas t'en faire d'autres.

Il ponctue sa prise de parole par un grand sourire, désireux de mettre son élève en confiance. Sanosuke n'a peut-être pas confiance en lui, peut-être a-t-il abandonné l'idée de se faire des amis mais, Feng pense qu'il n'est pas trop tard.

Et... il ne faut pas que tu essaies de... hum... "tenir dans le noir" tes proches...
La communication, c'est important... très important...
Tu te sens faible... tu as peut-être honte... mais s'il y a bien des personnes à qui tu dois pouvoir montrer tes faiblesses, ce sont tes proches.

Le blessé refuse l'assistance de son mentor quant à l'entretien qu'il souhaite avoir avec le Vice-Capitaine de la Division Orientale. L'instructeur n'est pas vraiment surpris, sa proposition relevait plus de la politesse qu'autre chose. Son interlocuteur est quelqu'un de solitaire et de fier alors, c'est la réaction inverse qui aurait été étrange.

Je n'ai aucun doute que tu t'en sortiras bien tout seul.

Feng donne une tape amicale sur l'épaule de son élève. Lorsque celui-ci évoque les disponibilités de l'instructeur et demande à ce qu'il le contacte pour un entraînement pensant que le Sixième Siège est surchargé de travail, ce dernier se met à rire à gorge déployée. Il porte ses mains à son ventre, se tordant de rire. Il lui faut quelques secondes pour se reprendre.

Ne t'inquiète pas pour mes disponibilités, va !
Je me débrouille très bien pour me libérer !
Mais je ferai ça.

Le Hua est devenu maître lorsqu'il s'agit de trouver des excuses pour ne pas accomplir ses tâches administratives, pour ne pas participer à des réunions ou pour ne pas effectuer les tâches qu'il ne souhaite pas effectuer -des tâches qui ne lui semblent pas primordiales ou que quelqu'un d'autre peut faire à sa place-. Les seules tâches qu'il n'a jamais esquiver, consciemment du moins, sont celles qui concernent le sauvetage de vies ou l'enseignement aux jeunes générations.

Saluant Sanosuke, Feng le laisse retourner à ses occupations ou à son repos. Il attend néanmoins que ce dernier sorte de son champ visuel avant de bouger, à son tour, prenant la direction de ses quartiers pour méditer sur ce qu'il aura appris au cours de cet échange et pour réfléchir à une stratégie d'enseignement.